L’aventure de ce qui allait devenir Ayro commence véritablement en 2010, lors de la 33e Coupe de l’America sur le plan d’eau de Valence, en Espagne. Le vainqueur, le trimaran USA 17 de l’équipe BMW Oracle, est équipé d’une aile rigide de 68 mètres de haut, l’envergure d’un Boeing 747-8. Conçue par Marc Van Peteghem, de l’agence d’architecture navale VPLP, cette aile se révèle encore plus efficace qu’espéré, propulsant le navire à plus de 33 nœuds dans un vent de 10 nœuds. C’est une véritable révélation, et Marc Van Peteghem entrevoit tout de suite le potentiel de cette technologie pour les navires marchands.
Quelques années plus tard, Nicolas Sdez arrive au terme de sa formation à ENSTA Paris, après une année de césure académique à Politecnico di Milano où il a suivi un master 1 en aéronautique.
A la recherche d’une entreprise susceptible d’accueillir son projet de fin d’études, il adresse un CV à l’agence VPLP, où Marc Van Peteghem retient sa candidature car Nicolas allie des compétences rares : issu d’une école d’ingénieurs généraliste où il a suivi un parcours de spécialisation en génie maritime, il a complété cette formation par un master en aéronautique. Le profil idéal lorsqu’on veut greffer des ailes d’avions à des bateaux.
Nicolas Sdez s’enthousiasme très vite pour ce projet de propulsion éolienne innovante. Mais les défis sont de taille. Quatre critères techniques fondamentaux sont à respecter, à priori peu compatibles avec le principe d’une aile rigide : elle doit pouvoir être affalée (descendue) rapidement, voir sa surface varier à la demande, le tout automatiquement, et sa fabrication doit pouvoir être industrialisée. A ces critères techniques s’ajoute une cinquième condition, encore plus contraignante que les précédentes : garantir aux armateurs un retour sur investissement dans un temps suffisamment court pour que l’opération soit non seulement vertueuse sur le plan écologique, mais également rentable.
La collaboration entre Marc Van Peteghem et Nicolas Sdez se passe si bien qu’en 2018, ils fondent ensemble Ayro après avoir déposé plusieurs brevets.
Avec un format peu courant de « start up industrielle », Ayro a aujourd’hui pour objectif de passer à la phase de production industrielle des Oceanwings, ces ailes-voiles qui permettent d’hybrider la propulsion des navires marchands et de réduire la consommation de carburant de 10 à 45% selon la vitesse.
Grand avantage du concept, il pourra être installé en rénovation sur des navires déjà construits comme sur de nouvelles unités optimisées pour ce système. Ce sera notamment le cas du premier navire opérationnel équipé d’Oceanwings, le Canopée, un roulier, qui acheminera des pièces de lanceur Ariane 6 entre l’Europe et la Guyane française. Il recevra ses « ailes » fin 2022 pour de premiers essais en mer en 2023.
« Dans le cadre du programme Ariane 6 et face à la concurrence internationale, un des objectifs majeurs d’ArianeGroup est de réduire les coûts sur tous les postes. Ils sont confiants dans le fait que les économies significatives de carburant que permettent les Oceanwings leur permettra d’amortir l’investissement » se réjouit Nicolas Sdez.
ENSTA Paris en force à Ayro
Sur les 21 membres du personnel que compte aujourd’hui Ayro, quatre sont diplômés d’ENSTA Paris : Nicolas Sdez (2014,5), co-fondateur, Ludovic Gérard (1995), directeur général, Giorgio Provinciali (1993), directeur technique, et Sebastien Le Bouteiller (2021), ingénieur performance.
Comment expliquer cette présence en nombre ? Nicolas Sdez a son idée : « Il ne faut pas oublier que le génie maritime est une des filières historiques d’ENSTA Paris, ce qui se ressent particulièrement dans son parcours de 3e année « structures en mer pour le transport et l’énergie ». Par ailleurs, c’est une école généraliste de haut niveau scientifique, ce qui permet d’appréhender beaucoup de disciplines différentes et d’avoir une véritable vision système. C’est exactement ce dont nous avons besoin pour les Oceanwings, qui sont des systèmes propulsifs qui mêlent aérodynamique, composites, mécanique, mécatronique, et automatique. Nous sommes vraiment dans cette logique de conception système, avec des tenants et des aboutissants complexes et multidisciplinaires. »
Alors, comme il est de coutume de dire à ENSTA Paris, « Bon vent à Ayro ! »