Après une prépa PSI* au lycée Fermat de Toulouse, Paul intègre l’ENSTA en 2014.
« On peut bien sûr être pilote sans être ingénieur, c’est même très courant. Mais il se trouve que ce que j’aime dans le pilotage est clairement nourri par ma curiosité intellectuelle. L’ENSTA étant une école très orientée techniques avancées et recherche, j’y ai trouvé tout ce que j’étais venu y chercher. Je me souviens d’avoir beaucoup apprécié les cours de mécanique des fluides de Sabine Ortiz, la mécanique des fluides compressibles en particulier, qui m’ont très bien préparé à l’aéronautique. »
Aujourd’hui aux commandes d’un mirage 2000 D, le Lieutenant Paul a toujours une pensée pour cette enseignante lorsqu’il explore dans la vraie vie ces lois physiques apprises sur les bancs de l’ENSTA.
« La pratique du vol, c’est souvent apprendre à gérer l’énergie. Celle-ci est apportée par le moteur et dissipée par l’aile. Dans un avion de chasse, on va loin en mach et loin en incidence, dans des domaines de vol où aucun autre avion ne peut aller. Quand on prend beaucoup d’angle, on crée beaucoup de traînée et donc on dissipe beaucoup d’énergie. Et en combat aérien, celui qui gagne est celui qui dissipe le moins d’énergie… »
Après avoir créé ENST''Air début 2015, l’association étudiante d’aéronautique de l’École, et fait sa troisième année en échange à l’ISAE-SUPAERO, Paul sort diplômé de l’ENSTA en 2017 sans avoir fait de césure, car il a un plan : intégrer l’École de l’air par la voie de l’admission sur titre qui s’adresse aux ingénieurs. En réalité deux voies sont possibles, conditionnées à une limite d’âge : officier de carrière via l’admission sur titre et officier sous contrat.
Grâce à son parcours académique à l’ENSTA, il correspond exactement au profil recherché pour le cursus d’officier de carrière, mais une très mauvaise nouvelle tombe lors de la visite médicale poussée à laquelle chaque candidat est soumis :
« Les examens médicaux ont mis en évidence une légère déformation de ma cornée susceptible d’évoluer en kératocône. Pour écarter tout risque, il fallait refaire les examens trois ans plus tard et voir l’évolution, ce qui m’amenait au-delà des âges limites pour devenir pilote de chasse. »
Le coup est rude pour ce passionné d’aéronautique qui avait orienté tout son parcours afin d’intégrer la chasse.
« Je me suis fait une raison, puis ai commencé à travailler comme ingénieur pour MBDA, en conception aérodynamique. Mais l’envie de voler au quotidien restait la plus forte. J’ai alors bifurqué vers une formation de pilote de ligne. »
À la toute fin de cette formation civile, nouveau rebondissement : l’une des voies de recrutement pour devenir pilote de chasse, celle des officiers sous contrat, relève son âge plafond à 27 ans ! L’espoir d’intégrer la chasse renaît pour Paul, encore sous l’épée de Damoclès du verdict médical, qui sera finalement levé par les examens complémentaires au bout de 3 ans.
« Mon expérience montre que pour intégrer ce parcours exigeant de pilote de chasse, il faut faire preuve de ténacité tout en étant capable de rebondir en se laissant le plus d’options ouvertes. Là encore, avoir choisi de commencer mon parcours par l’ENSTA aurait été une garantie d’employabilité, par exemple chez un industriel de l’aéronautique si j’avais été définitivement recalé pour raisons médicales. »
Bien sûr, être admis à l’École de l’air n’est que la première étape d’un long processus qui amènera à l’obtention du brevet de pilote, avant de partir en escadron de transformation sur Mirage 2000 ou Rafale.
« D’étape en étape, les bases du pilotage ne changent pas, mais on rajoute à chaque fois de la complexité. La première année de l’ENSTA, très exigeante en maths et en physique, s’est avérée être une excellente école pour gérer ces charges de travail soudaines. Quand vous commencez une nouvelle matière, c’est très dur, vous découvrez une montagne de choses que vous ne comprenez pas immédiatement. Mais comme le disait Vladimir Jankélévitch, le courage est dans le commencement ! »
Et du courage et de la détermination, il est certain qu’il en faut pour voler en formation en rase-mottes de nuit en territoire hostile, un des scénarios de mission auxquels le Lieutenant Paul va être amené à s’entraîner régulièrement.
« Pilote de chasse, c’est un métier qui n’est pas anodin en termes de risques, où le simple fait d’être dans les airs est un risque en soi. Mais il y a des méthodes pour gérer ce risque, des procédures. Ça commence par identifier le risque, et aussi les erreurs possibles. Tous les humains sont faillibles, et parler entre nous de ces erreurs nous permet de progresser, et de gagner en confiance. »
Et pour la confiance, tout est bon. Ainsi lorsqu’il revêt sa combinaison de vol, le lieutenant Paul ne se sépare jamais d’un cadeau que lui a fait quelqu’un de très proche, un bijou en forme d’édelweiss, symbole de pureté et d’amour qui est aussi considéré par certains comme un porte-bonheur, et qu’on appelle « Immortelle des neiges » en Occitanie, sa région d’origine.
« Dans toute la hiérarchie des qualifications que peut avoir un pilote de chasse, je n’en suis encore qu’au tout début, mais quand on regarde mon parcours, et les nombreux rebondissements qu’il a connus, on pourrait penser que j’ai eu pas mal de chance, ce qui est vrai. Mais je pense aussi que la clé a été de beaucoup m’investir personnellement pour exercer ce métier de passion, et de ne jamais avoir renoncé. »