Si chaque parcours de vie recèle une large part de chance et d’imprévu, Teresa Salcedo a été particulièrement bien servie. Rien ne prédestinait en effet cette fille d’exploitants agricoles espagnols à devenir un élément clé de la fusion entre Renault et Nissan, pour finir par prendre la responsabilité de la transition numérique d’une des plus prestigieuses marques de luxe françaises.
Et le plus étonnant est que tout cela s’est fait presque malgré elle, simplement parce qu’elle était exactement le profil rarissime dont les organisations avaient besoin à des moments charnières de leur existence.
Tout commence en Espagne dans les années 1990. Au Lycée, Teresa Salcedo manifeste un intérêt hors du commun pour les matières qui touchent à l’art de l’ingénieur, qu’il s’agisse des mathématiques ou de la physique. C’est donc tout naturellement qu’elle choisit cette voie pour ses études supérieures, même si elle était la première de sa famille à opter pour une telle orientation.
« En 1995, c’était la deuxième année où mon école proposait des échanges dans le cadre du programme Erasmus. Ayant le goût de l’aventure et une curiosité naturelle pour l’étranger, j’ai tout de suite été volontaire pour partir. J’ai choisi la France et ENSTA Paris car c’était le plus simple mais aussi parce que ma mère était prof de français, même si moi-même je n’en parlais pas un mot à l’époque ! »
Une caractéristique qui va étonnamment avoir de très heureuses conséquences sur la suite de son parcours.
« Comme c’est toujours le cas aujourd’hui, ENSTA Paris accorde une place très importante à la dimension internationale de la formation et impose l’étude d’une langue en plus de l’anglais. J’aurais aimé apprendre l’italien, mais comme je ne maîtrisais pas le français, obligatoire, la direction de la formation m’a recommandé d’étudier une langue non latine en complément du français. C’est comme cela que j’ai appris le japonais. »
Un choix qui s’avèrera particulièrement pertinent lorsque quelques années plus tard, les constructeurs Renault et Nissan décideront d’unir leurs forces pour mieux résister à la concurrence mondiale, et seront à la recherche de cadres en mesure de jeter un pont entre les deux cultures.
« Non seulement je suis tombée littéralement amoureuse de la langue et de la culture japonaise, mais cela a été un formidable accélérateur de carrière au sein du groupe Renault-Nissan, où j’ai passé 22 ans, travaillant sur les lancements industriels des Clio II et III, de la nouvelle Mégane, et j’en passe… Je suis intervenue en Turquie, en Slovénie, en Espagne, au Brésil, en Argentine, en Chine… Tout ça parce que je ne parlais pas français en arrivant à ENSTA Paris ! » plaisante-t-elle aujourd’hui.
En 2017, Teresa Salcedo est missionnée pour assurer la transformation numérique de toutes les équipes méthodes et R&D : industrie 4.0, réalité virtuelle, réalité augmentée, intelligence artificielle, elle peut enfin donner libre cours à cette approche qui est la raison d’être de la formation ENSTA Paris : former à une ingénierie fondée sur l'excellence scientifique et technique, augmentée par le numérique.
Puis, en 2021, au sortir de la crise sanitaire, après 22 ans dans l’industrie, Teresa Salcedo éprouve le besoin de donner un nouveau sens à sa carrière, et de rendre d’une certaine façon tout ce qu’elle avait reçu : « J’ai d’abord pensé à enseigner dans une école d’ingénieurs, n’ayant jamais renoncé à ma passion pour les mathématiques et les sciences en général. En parallèle, j’avais aussi le projet de créer une entreprise à partir des productions agricoles de ma famille en Espagne… Et puis Hermes m’a contactée sur LinkedIn… »
Pas du tout certaine de vouloir poursuivre dans un univers industriel, Teresa Salcedo découvre au fil des entretiens avec Hermes une entreprise avec une valeur fondamentale qu’elle espérait trouver depuis longtemps : placer l’humain, et en l’occurrence l’artisan, au centre de toutes les réflexions de l’entreprise.
« Convaincue que ces valeurs n’étaient pas qu’un affichage marketing mais bien l’ADN de la marque, j’ai fini par accepter de prendre en charge la transformation numérique de cette magnifique entreprise française mondialement reconnue. Il me reste environ un tiers de ma carrière professionnelle à accomplir, autant que ce soit en excellente compagnie. »
Lorsqu’elle regarde en arrière, Teresa Salcedo n’imaginait absolument pas l’incroyable carrière qu’elle a fini par bâtir, dont plus de 20 ans dans l’industrie automobile. « Même dans ce milieu très masculin, j’ai réussi à poser des choix très structurants et peu courants dans des postes à responsabilité, comme de travailler à 4/5, poser un congé parental, ce qui n’était pas toujours aisé à défendre, même si j’ai toujours trouvé beaucoup de compréhension chez mes managers. »
Mais pour elle, l’entreprise n’est pas l’unique front sur lequel il est utile de faire progresser les droits des femmes. « Là où nous avons aussi un rôle décisif à jouer, c’est à la maison passé 18h, en tant que mère et épouse. Une femme pourra mener une vie professionnelle épanouie si elle est bien accompagnée et soutenue par son mari, et qu’il y a une vraie parité au sein du couple. Je dis souvent à mes garçons que ce sera en tant que maris et pères qu’ils pourront vraiment faire bouger les choses, en aidant leur compagne à s’accomplir, à ne pas avoir peur qu’elle ait un meilleur poste ou un meilleur salaire qu’eux. Derrière chaque personnalité qui réussit, qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, il y a un partenaire qui a su apporter son soutien. »
Teresa Salcedo : l’humain au cœur des processus
Dans un monde parfait, Teresa Salcedo aurait passé son temps à voyager à travers le monde et apprécier le meilleur de ce que chaque culture a pu produire en matière d’art. Dans la vraie vie, c’est exactement ce qu’elle a fait, à ce détail près qu’elle consacrait l’essentiel de ses journées à accompagner le démarrage industriel de nouveaux modèles de voiture. Rencontre avec une ingénieure qui est aussi épouse et mère, convaincue que c’est sur ces 3 fronts qu’il faut se mobiliser pour faire avancer les droits des femmes.