Lorsque Matthieu Dumortier intègre l’ENSTA en septembre 2022, il découvre qu’une des associations de l’école possède une vénérable 205 utilisée jusqu’à présent pour faire du rallye-raid. Passionné d’automobile mais aussi très préoccupé par les conséquences du réchauffement climatique, il comprend qu’il tient là une formidable opportunité de réconcilier sa conscience écologiste et sa passion.
« Cette brave 205 XT était très kilométrée, tenait mal le ralenti, et était un cauchemar en termes d’émission de polluants. Clairement, on ne pouvait pas continuer à l’utiliser en faisant comme si ça n’avait pas d’importance. En tant que futurs diplômés d’une école dont les transports sont un domaine applicatif majeur, il était impératif de donner l’exemple. Alors je suis allé voir le président de l’association ENSTRAID de l’époque, Arthur Depret, et lui ai fait part de mon idée : transformer cette guimbarde polluante en véhicule zéro émission. Très enthousiastes, nous nous sommes lancés dans ce projet avec toute l’équipe. »
Et de l’enthousiasme, c’est peu dire qu’il en fallait pour venir à bout de ce projet en l’espace de deux ans, essentiellement sur le temps libre et la bonne volonté de chacun, avec de nombreuses difficultés techniques et coups du sort, par exemple l’expulsion de leur local-atelier, démoli pour cause de grands travaux sur le campus de l’Institut Polytechnique de Paris.
Comme le résume Matthieu Dumortier, « il y a une marche importante entre lire dans la Revue Technique Automobile comment on dépose un moteur de 205, et le faire dans la vraie vie sans avoir un matériel parfaitement adapté ! Il a souvent fallu improviser des solutions techniques pour parvenir à nos fins. »
Seul point sur lequel le président de l’association n’a jamais fait de compromis, la sécurité : « On a beaucoup investi sur les équipements de protection et le respect des procédures. Avant chaque séance, je vérifiais que chacun était équipé de ses protections individuelles et rappelais les consignes de sécurité. Comme nous n’avions pas de pont élévateur, nous installions le véhicule sur des chandelles chaque fois qu’il fallait intervenir en dessous, même si cela prenait plus de temps. Moyennant quoi nous n’avons pas eu le moindre incident tout au long du projet. »
Par chance, le rétrofit a pu entrer dans le cadre du Projet d’ingénieur en équipe, lequel s’étend sur l’ensemble de la deuxième année du cycle ingénieur ENSTA et permet à une équipe d’une dizaine d’étudiants de s’atteler à la gestion de projets d’envergure.
« Quand vous avez 11 personnes sur un projet de ce type avec 4 tâches en parallèle, il faut maximiser la productivité de chacun et planifier les tâches au mieux. Ça a été un vrai changement d’échelle, avec une partie gestion de projet technique qui a vraiment été déterminante. Au fil du projet, chacun a gagné en expérience et en autonomie, et ça a fini par très bien fonctionner. »
Autre aide déterminante, celle apportée par Lahcène Cherfa, technicien de l’Unité de mécanique de l’École qui a accompagné les étudiants dans la conception du berceau moteur et l’utilisation de plusieurs machines d’usinage, lesquelles ont permis, après de nombreux essais et mises au point, de réaliser les pièces reliant le moteur électrique à la boite de vitesse.
Actuellement en 3e année, Matthieu est resté en cohérence avec ses valeurs en choisissant le parcours de spécialisation « Énergies en transition », et débutera prochainement son stage de fin d’études chez un grand équipementier automobile. Il y travaillera notamment sur la stratégie industrielle de décarbonation.
« Je n’ai pas fait de césure ni de double diplôme en gestion, et je termine pourtant ma formation d’ingénieur avec un excellent stage de fin d’études dans l’industrie, notamment grâce à ce projet associatif qui m’a permis de créer un autre chemin. Quand vous arrivez en entretien après avoir mené un projet transverse de cette ambition, vous êtes un des rares à posséder une telle expérience, et c’est un vrai plus : les recruteurs n’ont aucun doute sur vos capacités d’adaptation, votre créativité, votre capacité à tirer le meilleur parti de ressources limitées, et votre sens des responsabilités. »
Des qualités que Matthieu Dumortier tient à partager avec les élèves de l’ENSTA qui se sont beaucoup investis dans le projet, en particulier Alexandre Ecotiere, Théo Dreano et Kélian Bigé. Ont également été déterminants dans la concrétisation du projet Arthur Cabon, Mathieu Lafitte, Louis Granger, Stefanos Nikolaou, Théophane Bourdon, Ayoub Belhaj, et Jacques Valkenberg.