Amandine Reix : même le ciel n’est pas une limite

Son grand-père était mineur de fond, à 40 ans elle dirige un programme de satellites mobilisant une centaine de personnes. Son ascenseur social ? Des études d’ingénieur, et quelques rencontres marquantes qui lui ont permis de prendre confiance en elle et de garder cette confiance en dépit des obstacles, des conditionnements et des stéréotypes. Rencontre avec Amandine Reix, directrice de programme à la DGA passée par ENSTA Paris.

Enfant, Amandine Reix pouvait passer des heures à jouer aux Lego. « Avec ma sœur, nous adorions l’idée de construire quelque chose en commun. Nous tenions absolument à construire des choses grandes et compliquées ! Aujourd’hui encore, j’aime construire des choses en équipe… j’ai juste un peu changé d’échelle ! » confie dans un sourire l’enfant de Metz devenue aujourd’hui directrice de programme au sein de la DGA.

« Au lycée, comme à peu près tout le monde, je ne savais pas du tout ce que je voulais faire. Comme beaucoup de jeunes filles, j’étais plutôt bonne élève, aussi bonne en maths qu’en français. Beaucoup de profs m’ont dit « tu es une fille, oriente-toi plutôt vers une filière littéraire… » J’ai préféré me renseigner par moi-même, et ai vite compris que les mathématiques offraient plus de choix d’orientation. »

Après un bac S obtenu avec la mention très bien, Amandine Reix intègre une classe préparatoire aux grandes écoles à Nancy, en internat. Avec les concours vient l’heure des choix. « La petite assembleuse de Lego en moi était très attirée par les grands projets, comme le BTP, la possibilité de réaliser de grands ouvrages d’art, tout comme les programmes complexes comme les sous-marins ou les satellites… »

Au final, ce sera ENSTA Bretagne, et une première année de formation militaire aux quatre coins de la France : École de l’air à Salon de Provence, brevet de parachutiste à Pau, stage de fusilier-commando à Dijon, puis l’école d’enseignement technique de l’armée de l’air à Saintes, la bonne élève se mue en baroudeuse prête à tout affronter dans les trois dimensions.

« Il faut savoir qu’avant cela, je n’étais pas du tout sportive ! Au cours de cette année de formation militaire, j’ai appris le dépassement de soi et à entretenir un nouveau rapport avec mon corps, avec lequel je me suis réconciliée après deux années de prépa. »

Commencent alors deux années de formation d’ingénieur proprement dite à ENSTA Bretagne, avec une troisième année d’ingénieur et un master recherche à l’IMT Atlantique pour se spécialiser en intelligence artificielle.

La DGA lui offre un poste à Angers d’architecte en facteurs humains, conduite du changement et transformation des organisations qu’elle occupe 4 ans, le temps aussi de mettre au monde ses deux premiers enfants.

En 2010, Amandine Reix devient responsable technique de drones tactiques alors déployés en Afghanistan. « C’était à la fois une énorme responsabilité, car la vie de militaires sur le terrain dépendait de la qualité du matériel, donc de mon travail, mais c’était surtout passionnant ! »

A la fin de cette expérience, Amandine Reix réussit le concours d’ingénieur de l’armement et met au monde son 3e enfant. « Je profite alors de mon congé maternité pour m’investir dans un réseau social créé avec des amies, les « Mumaround ». L’idée était de lutter contre l’isolement des jeunes mères à la maison. Le projet a connu un essor considérable et une couverture médiatique énorme, avec un passage dans l’émission Les maternelles, une formidable expérience ! »

A la fin de son congé maternité, Amandine Reix ressent pour la première fois la question du retour de congé maternité. « Il n’y avait aucune malice de la part des ressources humaines, mais en congé pendant plus d’un an, j’avais bien sûr été remplacée à la tête de mon précédent projet, et c’était l’occasion de se réinventer ! »

La solution viendra d’ENSTA Paris, avec la Formation avancée en ingénierie système (FAIS) à laquelle s’inscrit la jeune maman. « Cette formation en ingénierie système a été très bénéfique car elle m’a permis de prendre du recul. J’ai pu mettre en perspective tout ce que je savais, mais avec une méthode qui m’a permis de mieux appréhender mon travail. »

Nantie de ces nouvelles compétences, Amandine Reix connaît ce qu’elle appelle son « quart d’heure de gloire » en obtenant le prix de la femme ingénieure de l’année, décerné par la CDEFI (Confédération de directeurs des écoles françaises d’ingénieurs). « J’ai été très heureuse de recevoir à cette occasion les félicitations personnelles d’Élisabeth Crépon, directrice générale d’ENSTA Paris. Ça a été une consécration ! »

Amandine Reix intègre alors l’État-major des Armées, puis est appelée pour rejoindre le cabinet du Délégué général pour l’armement en tant que responsable du domaine des opérations et finances, un poste très exigeant où elle accompagnait par exemple le Délégué lors de ses auditions à l’Assemblée nationale ou au Sénat.

Dernier poste en date, celui de directrice de programme satellites d’observation, un poste en liaison directe avec le CNES (Centre national d’études spatiales) et de nombreuses coopérations internationales nécessitant de fréquents déplacements pas toujours simples à faire coexister avec une vie familiale.

Quoi qu’il en soit, ces difficultés à concilier vie de famille et vie professionnelle n’auraient jamais pu dissuader Amandine Reix d’avoir des enfants. « Pour moi, c’est vraiment un tout. C’est tellement beau de créer un être humain ! Créer des satellites aussi c’est très beau : il faut savoir mener tous les projets que la vie vous offre de concrétiser ! Pour ce faire, je ne peux que conseiller de se faire aider bien sûr. Je crois profondément que pour bien grandir et devenir un adulte équilibré, un enfant a plus besoin d’un réseau autour de lui que de la dévotion exclusive d’une mère. »

Interrogée sur la question de savoir ce qu’elle dirait aujourd’hui à la jeune fille indécise qu’elle était au lycée, Amandine Reix n’hésite pas un seul instant : « Si on en a la capacité, faire une école d’ingénieurs est un vrai multipass vers l’avenir. On peut tout faire avec ce diplôme : de la R&D bien sûr, mais aussi de la finance, des ressources humaines, avoir plusieurs carrières dans une vie. Mais l’essentiel de mon message, ce serait de suivre les gens qui nous inspirent, et nous aident à retirer les barrières mentales qui nous empêchent de rêver en grand. »

Alors justement, après une carrière aussi brillante et un poste de tout premier plan, Amandine Reix a-t-elle encore des rêves ? La réponse ne se fait pas attendre : « Plein ! Je n’ai que 40 ans, et la vie est longue ! On peut tout imaginer alors, et pourquoi pas la construction d’une base sur la Lune ! Ce serait un beau projet « grand et compliqué » comme ceux que je voulais réaliser enfant. L’espace, voilà un beau domaine où tout reste à inventer, et où les femmes ont naturellement toute leur place ! »

Avec une énergie aussi belle et un enthousiasme aussi grand que ceux d’Amandine Reix, aucun doute que les prochains bonds de géant de l’humanité dans l’espace s’accorderont au féminin.