Salut Translate : abolir les barrières du langage

Rendre tous les contenus digitaux accessibles aux personnes sourdes et malentendantes, c’est l’ambition de Salut Translate, jeune startup lancée par Antoine Ménager et Pierre Haro et issue du parcours « création d’entreprise » d’ENSTA Paris.

Commençons par une histoire vraie, et tristement emblématique. Nous appellerons Marion l’étudiante à laquelle cette histoire est arrivée. Marion est sourde de naissance. Au prix d’énormes efforts, et grâce à un environnement et des conditions d’enseignement adaptées, elle est parvenue à passer son bac. N’ayant jamais eu la possibilité d’associer les sons et les lettres, elle est analphabète fonctionnelle, et a tout appris par la langue des signes, comme l’immense majorité des personnes sourdes et malentendantes. Une vidéo sous-titrée ne lui est donc d’aucun secours.

Lorsqu’elle arrive à l’université à la rentrée suivante, c’est pourtant la seule solution qui lui est proposée pour suivre les cours, totalement inadaptée. Consciente du problème, l’université fait de son mieux pour trouver un interprète à même de traduire les cours pour Marion. Mais ils ne sont que 500 professionnels à travers toute la France, et sont submergés de demandes.

L’un d’entre eux se libère enfin, mais trop tard, seulement trois mois avant la fin des cours. Seule perspective pour Marion, le redoublement, sans même être certaine qu’elle aura un interprète dès la reprise des cours. Lassée, découragée, épuisée par cette année en dents de scie, Marion abandonne et quitte l’université sans diplôme. Tous ses rêves d’enseignement supérieur s’effondrent. Tous ses efforts, et ceux de l’institution scolaire dans le primaire et le secondaire qui l’ont portée jusqu’au bac, sont réduits à néant. Marion est allée grossir l’immense cohorte des 47% de personnes sourdes et malentendantes qui se retrouvent au chômage sans qualifications.

C’est ce genre d’injustice qui a conduit Antoine Ménager et Pierre Haro, pétris de valeurs humanistes et concernés par l’économie sociale et solidaire, à développer Salut Translate.

Antoine et Pierre ont fait connaissance dès leur arrivée en première année à ENSTA Paris, et ont eu l’occasion de constater, grâce à leur participation à diverses associations, qu’ils avaient des valeurs communes. A la rentrée de la 3e année du cycle ingénieur d’ENSTA Paris, ils se retrouvent dans le même parcours Entrepreneuriat proposé par l’École. Très vite, ils se rendent compte qu’ils ont chacun les compétences nécessaires, notamment en intelligence artificielle, et la motivation pour mener à bien un projet qui ne serait pas une startup de plus, mais quelque chose avec du sens. Ainsi est née l’idée de Salut Translate, qu’ils demandent à développer dans le cadre d’un parcours « création d’entreprise » dans lequel ils peuvent consacrer tout leur temps à leur projet, ce qui est accepté par leur encadrant Didier Lebert.

« Notre objectif est de permettre aux 2 millions de personnes sourdes et malentendantes de France de s’éduquer, de s’informer et de se divertir de façon aussi naturelle que le font les personnes dépourvues de ce handicap » précise Antoine Ménager.

La grande idée de Salut Translate, c’est que ce soit la personne qui prononce le discours, donne le cours ou le spectacle qui traduise elle-même simultanément son propos en langue des signes. Bien sûr, il n’est pas nécessaire qu’elle apprenne elle-même la langue des signes pour cela. C’est ici qu’intervient l’intelligence artificielle, comme l’explique Pierre Haro : « la personne qui doit prononcer le discours est simplement filmée ou photographiée en train de faire les principaux gestes de la langue des signes. Le reste, c’est l’intelligence artificielle qui s’en occupe : quelle que soit l’entrée (texte, audio ou vidéo), elle traduit le discours en langue des signes, puis utilise les images tournées pendant la séance de préparation pour donner l’illusion que l’interlocuteur maîtrise parfaitement la langue des signes. »

Quel intérêt plutôt que d’utiliser un avatar numérique ? Ici, il faut se mettre à la place des personnes sourdes et malentendantes, qui expriment clairement leur point de vue lorsqu’on leur pose la question : « Nous n’avons pas envie de regarder des dessins animés toute notre vie ! »

Et c’est en fait tout naturel. Lorsque votre seule façon de comprendre un discours est habituellement de concentrer votre attention sur un coin de l’écran, sa perception est toute différente si la traduction est assurée par le réel émetteur du discours, sur tout l’écran, plutôt que par un interprète ou un avatar numérique. Et c’est une marque de considération et de respect pour les personnes sourdes et malentendantes que de prendre soin de s’exprimer dans le seul langage qu’ils sont à même de comprendre.

Pierre et Antoine ont encore bien d’autres ambitions pour Salut Translate, avec notamment une version « urgences » de leur application. « Lorsqu’une personne sourde atterrit aux urgences, c’est pour elle un double cauchemar » explique Antoine Ménager. « Elle est en situation de souffrance et de stress et ne comprend pas les demandes du personnel hospitalier. Nous réfléchissons à une sorte de kit de traduction de première urgence sur tablette que les personnels hospitaliers pourraient utiliser pour mener l’interrogatoire diagnostic, avec des questions en langue des signes mais aussi un choix de réponses pour le patient, afin que tous se comprennent. »

Pour le moment, Pierre et Antoine ont développé une preuve de concept et travaillent à un démonstrateur pratique qu’ils pourraient présenter à leurs premiers prospects.

Pour aider à renforcer le démonstrateur de leur solution, Pierre et Antoine ont lancé une campagne de financement participatif à laquelle vous pouvez participer dès aujourd’hui en suivant ce lien.

Si vous êtes Business Angel ou souhaitez contribuer de manière plus significative au développement de Salut Translate, merci de prendre directement contact avec eux.