Prix Gordon Bell : des simulations validées par l’expérimentation

Comment concevoir un tout nouveau type d’accélérateur de particules laser-plasma ? C’est en réalisant la prouesse de produire un code numérique de très haute performance pour modéliser l’interaction lumière-matière qu’une équipe de recherche internationale, dont le LOA fait partie, vient de remporter le prix Gordon Bell, considéré comme le prix Nobel du supercalcul.

Ce projet est né d’une collaboration entre deux chercheurs, Henri Vincenti, du Laboratoire interactions, dynamiques et lasers (Lidyl) de l’institut IRAMIS du CEA, et Adrien Leblanc, du Laboratoire d’optique appliquée (LOA, CNRS, ENSTA Paris, École polytechnique). Henri Vincenti est théoricien et numéricien, Adrien Leblanc expérimentateur.

Henri Vincenti, chercheur du CEA
Henri Vincenti, chercheur du Laboratoire interactions, dynamiques et lasers (Lidyl) de l’institut IRAMIS du CEA
Adrien Leblanc, chercheur du LOA
Adrien Leblanc, chercheur du Laboratoire d’optique appliquée (LOA, CNRS, ENSTA Paris, École polytechnique)

L’ambition initiale des deux chercheurs était d’améliorer les techniques d’accélération laser-plasma. Ce type d’accélérateur a le potentiel de devenir une nouvelle source de rayonnement pour le traitement des tumeurs par radiothérapie. En effet, au cours de la dernière décennie, diverses expériences ont montré que des doses de rayonnement intenses, quand elles sont délivrées très brièvement, permettaient de rendre les cellules tumorales plus sensibles au traitement tout en réduisant la toxicité pour les tissus sains environnants.

Les accélérateurs laser-plasma sont des sources de rayonnement très prometteuses dans cette perspective mais certaines de leurs caractéristiques doivent encore être améliorées, notamment en termes de qualité du faisceau de particules.

Avant de lancer les expérimentations, il convenait de réaliser des simulations numériques des différents designs envisagés afin d’orienter les recherches. Toute la difficulté résidait dans le temps de calcul de ces simulations car le nouveau design d’accélérateur génère deux types de plasma : un très dense, quasi solide, et un beaucoup moins dense, gazeux. Il fallait donc que la simulation tienne à la fois compte d’un grand volume, pour restituer le comportement du plasma gazeux, et d’un grand nombre de points pour modéliser correctement le plasma de densité solide.

Cette modélisation conjointe des deux extrêmes a été rendue possible grâce à la très forte amélioration des performances d’un code qui simule l’interaction lumière-matière. C’est cette prouesse numérique qui est récompensée aujourd’hui par le prix Gordon Bell, un des plus prestigieux dans le domaine du calcul haute performance.

Dans ses délibérations, le jury de l’Association for Computing Machinery a souligné que ces travaux ont non seulement permis de grandes avancées dans les calculs numériques de haute performance, mais ont également permis de choisir le design expérimental le plus prometteur de ce concept d’accélérateur. Ce design a été réalisé et développé par Adrien Leblanc au sein du LOA et a été très récemment validé par des expériences.

Grâce à ces résultats préliminaires, Henri Vincenti et Adrien Leblanc ont obtenu une bourse ANR dite PRC (projet de recherche collaborative). Partagée entre leurs deux laboratoires, cette bourse leur permettra d'aller plus loin dans l'étude des performances de ces accélérateurs, mais également de mener de première études de compréhension des effets temporels de ce type de rayonnement sur des tissus biologiques, avec en perspective des applications médicales.

Cette capacité à modéliser de façon très réaliste des designs d’accélérateurs laser-plasma va permettre de tester la validité de nombreux concepts encore à l’étude tout en réduisant les temps de mise au point des expérimentations, étape indispensable avant d’envisager des applications industrielles ou thérapeutiques.

En début d'année 2022, Henri Vincenti et Adrien Leblanc ont co-déposé un brevet sur ce nouveau concept d'accélérateurs dans le but d'assurer le transfert de leurs recherches vers l'industrie.