A la poursuite du moindre bruit

Le 22 novembre dernier, Nicolas Trafny soutenait à ENSTA Paris une thèse de doctorat sur le bruit des hélices marines et des appendices de navire. Retour sur ce point d’orgue d’un parcours académique qui permet aujourd’hui au jeune docteur de démarrer sa carrière chez Naval Group.

Lorsque les sous-marins sont en plongée à plusieurs centaines de mètres de profondeur, le bruit est le principal indice susceptible de trahir leur présence. Si la discrétion acoustique est un élément fondamental de leur cahier des charges, il existe des situations où même le plus discret des sous-marins génère des bruits hydrodynamiques caractéristiques. C’est sur la prévision de ces bruits à différentes fréquences sonores que portaient les travaux de Nicolas Trafny dans le cadre d’une thèse CIFRE proposée par Naval Group.

« Ma thèse partait du constat que les méthodes existantes pour l’analyse des bruits d’origine hydrodynamiques n’étaient soit pas applicables sous l’eau pour des raisons physiques, soit extrêmement couteuses, et qu’il fallait trouver des alternatives propres à l’industrie navale » confirme le jeune docteur. « J’ai développé une nouvelle approche basée sur une analogie acoustique qui permet de prendre en compte un obstacle de forme complexe, typiquement un sous-marin. Les méthodes existantes sont limitées à des formes simples, dites canoniques : des sphères, des cylindres, des plaques infinies. Mon travail de thèse a permis de proposer pour cette sous-classe de phénomènes un modèle prédictif avec l’aspect géométrie complexe. »

Nicolas Trafny
Nicolas Trafny

Si le principe paraît simple, la mise en œuvre le fut beaucoup moins puisqu’il a fallu commencer par comprendre les mécanismes mis en jeu dans ces bruits hydrodynamiques.

« Il s’agit d’une physique très complexe car on va d'abord chercher à caractériser un écoulement turbulent, puis le bruit que produit cet écoulement. En tant que tel, le bruit produit par l’écoulement est faible. Mais lorsque la couche limite turbulente se développe le long de la surface du sous-marin et des pales de son hélice, il peut y avoir une amplification liée au phénomène de diffraction, la conversion d’énergie associée à la turbulence en ondes sonores, qui peut être très efficace en particulier à proximité des singularités géométriques » précise Nicolas Trafny.

Les choses se compliquent encore lorsque les turbulences de l’écoulement font vibrer la coque du sous-marin, à la manière d’un haut-parleur. Ce sont alors deux sources de bruit avec lesquelles il faut composer.

Illustration issue de la thèse de Nicolas Trafny
La fonction de Green adaptée est l’outil mathématique qui permet d’étudier les mécanismes responsables du bruit rayonné. Ici, elle nous renseigne sur la position des sources responsables du bruit du point de vue vibratoire. Les tourbillons de l’écoulement font vibrer la coque du sous-marin comme un haut-parleur, entraînant un rayonnement vibro-acoustique. Pour un hydrophone placé en amont du sous-marin, c'est l'avant du sous-marin qui en est la principale source.
A la poursuite du moindre bruit des sous-marins
Les dérivées de la fonction de Green adaptée renseignent sur le bruit produit par l’écoulement en lui-même, sans vibration de la structure. Ici, elle permet d’étudier le bruit rayonné par un propulseur de navire pour deux fréquences.
Image extraite de la thèse de Nicolas Trafny
Toujours pour un hydrophone à l’avant du sous-marin, la zone responsable du rayonnement hydro-acoustique se situe à l’arrière au niveau des empennages où il y a des singularités géométriques.

A présent en poste chez Naval Group, Nicolas Trafny continue de travailler sur ces problématiques en développant différents modèles. L’objectif final est de tirer de tous ces modèles de bonnes pratiques de conception afin de limiter les sources de rayonnement acoustique et assurer la meilleure discrétion sous-marine possible.
 

Référence : thèse de Nicolas Trafny soutenue le 22 novembre 2021 : « Développement d’une approche semi-analytique pour la prédiction du bruit large-bande produit par l’interaction entre un écoulement turbulent et un obstacle rigide de forme complexe. Application au bruit des hélices marines et des appendices de navires, hors cavitation. »

Jury :

  • M. Jean-François MERCIER, ENSTA Paris, directeur de thèse
  • M. Christophe SCHRAM, von Karman Institute for Fluid Dynamics, rapporteur
  • M. Régis MARCHIANO, Sorbonne Université, rapporteur
  • M. Gabriele GRASSO, Cenaero, examinateur
  • M. Xavier GLOERFELT, Ecole Nationale Supérieure d'Arts et Métiers, président du jury
  • M. Benjamin COTTÉ, ENSTA Paris, examinateur
  • Mme Stéphanie CHAILLAT, ENSTA Paris, invitée
  • M. Gilles SERRE, Naval Group, invité