La meilleure façon de vider une bouteille d’eau

Dans un article publié le 4 juin dans la revue scientifique Physical Review Fluids, Aurore Caquas revient sur une partie de sa thèse soutenue en décembre 2023 à ENSTA Paris et menée sous la direction de Luc Pastur avec un financement du CEA. Elle y présente différentes façons de vider une bouteille d’eau en la faisant tourner pour y créer un tourbillon. Une question moins triviale qu’il n’y paraît puisqu’elle concerne notamment la sûreté des réacteurs nucléaires du futur.

C’est une expérience de physique amusante que chacun peut réaliser dans sa cuisine ou sa salle de bain : si on vide une bouteille d’eau en la retournant verticalement, l’eau va s’écouler de façon discontinue. Cela est dû aux bulles d’air qui rentrent par le goulot, montent dans le liquide et empêchent un écoulement régulier de celui-ci. Mais si en plus de retourner la bouteille, on lui imprime un mouvement de rotation, cela va créer un tourbillon central que l’air va emprunter pour rentrer dans la bouteille : l’eau et l’air, chacun dans son couloir, ne se gênent plus, et la bouteille se vide beaucoup plus rapidement que dans le premier cas.

thumbnail Comment vider plus rapidement une bouteille ?

« C’est ce que nous appelons un tourbillon de vidange » précise Aurore Caquas. « Le but de ma thèse était de comprendre de façon très fondamentale ce phénomène, car il a des implications dans la sûreté de fonctionnement de certains types de réacteurs nucléaires dits de quatrième génération. »

Il s’agit en particulier de la filière des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium qui présentent l'intérêt de pouvoir recycler l’uranium 238 issu de la filière d'enrichissement du parc de réacteurs nucléaires actuels.

« La difficulté vient du fait qu’un tourbillon de vidange dans un réservoir de fluide caloporteur peut aussi aspirer une partie du gaz au-dessus de lui, ce qui forme des bulles qui peuvent poser des problèmes de sûreté au moment du passage du fluide caloporteur dans le cœur du réacteur, ou au niveau des pompes. Ma thèse avait pour but d’établir les mécanismes fondamentaux de ces phénomènes afin de les contrôler. »

Aurore Caquas devant son dispositif expérimental
Aurore Caquas devant le dispositif expérimental qui a été nécessaire à cette étude dans les locaux de l'Unité de mécanique d'ENSTA Paris. Crédit photo : Jérémy Barande

Parmi les principaux résultats de cette étude menée sur la plateforme tournante de l’Unité de mécanique d’ENSTA Paris, il est apparu que si la rotation facilitait généralement la vidange, ce n’était pas toujours le cas :

Différents régimes tourbillonnaires selon la vitesse de rotation de l'ensemble
Différents régimes d'écoulement selon la vitesse de rotation

« Il y a en réalité différents régimes d’écoulement, dont un que nous ne nous attendions pas à voir apparaître » précise la chercheuse, « où le tourbillon prend la forme d’un jet d’air instable mais extrêmement efficace pour vider la bouteille. Il apparaît à une vitesse de rotation optimale, mais qu’il ne faut pas dépasser sans quoi le vortex devient trop intense et ne laisse plus assez de place pour que l’eau s’écoule. »

Si ces questions ont été étudiées dans la perspective des réacteurs nucléaires du futur, elles intéressent un grand nombre d’applications industrielles comme les barrages hydroélectriques ou les convertisseurs d’énergie houlomotrice.

Références :

« Impact rotation change on the emptying of an ideal bottle of water », Physical Review Fluids 9,064701 4 juin 2024