Les dirigeables ont le vent en poupe

S’ils ont été supplantés par les avions dès le milieu du 20e siècle, les plus légers que l’air reviennent aujourd’hui dans la course grâce à leur bilan carbone 10 fois plus avantageux. Robin Le Mestre vient de consacrer une thèse à la modélisation du comportement en vol de ces dirigeables de demain.

Alors que les conséquences du dérèglement climatique deviennent chaque jour un peu plus tangibles, les dirigeables et leur bilan carbone imbattable apparaissent comme une alternative de plus en plus crédible en matière de transport aérien.

« On constate depuis les 5 dernières années un regain d’intérêt pour les dirigeables, avec de nombreux travaux de recherche et développement » confirme Robin Le Mestre, qui vient de soutenir sa thèse, réalisée sous la direction d'Olivier Doaré à ENSTA Paris et de Jean-Sébastien Schotté à l'ONERA Châtillon. « Cela devrait se traduire par une exploitation régulière des dirigeables d’ici quelques années. »

Robin Le Mestre
Robin Le Mestre

De fait, la compagnie aérienne espagnole Air Nostrum a annoncé au début de l’été une commande auprès du constructeur britannique HAV (Hybrid Air Vehicles) d’une dizaine de dirigeables Airlander 10, afin d’assurer des liaisons entre le continent et les différents archipels espagnols. Les premiers exemplaires pourraient être livrés dès 2026.

Vue d'artiste d'un dirigeable Airlander 10 survolant la côte.
Vue d'artiste d'un Airlander 10 longeant la côte.

En France, la startup Flying Whales devrait faire voler pour la première fois en 2023 un « dirigeable débardeur » de 200 mètres de long, capable de transporter 60 tonnes de bois depuis des zones forestières difficiles d’accès, comme les Pyrénées, les Alpes, la Corse ou la Guyane.

Vue d'artiste d'un dirigeable débardeur Flying Whales survolant les vastes territoires de Guyane
Vue d'artiste d'un dirigeable débardeur Flying Whales survolant la Guyane

Dernier exemple, Thales Alenia Space et ses Stratobus, dirigeables stratosphériques autonomes positionnés à 20 km d’altitude. Capables de se maintenir à poste à peu de frais, ils peuvent surveiller les frontières, mettre en échec les trafiquants, mais aussi assurer des missions de sécurité civile et environnementale (feux de forêts, érosion des plages, surveillance des flottes de pêche et des dégazages en mer), ou encore servir de relais de télécommunications.

Vue d'artiste du projet de dirigeable stratosphérique Stratobus
Vue d'artiste d'un Stratobus de Thales Alenia Space

Ce soudain regain d’intérêt pour les dirigeables suppose cependant que tous les paramètres critiques de ce mode de transport soient maîtrisés, en particulier la question de l’interaction entre la structure du dirigeable et l’atmosphère qui l’entoure, cruciale pour le comportement en vol. Par leur volume, les dirigeables sont en effet particulièrement sensibles au vent.

L’objectif de la thèse de Robin Le Mestre était justement de prédire ce comportement en vol grâce à des simulations par des calculs numériques. « Le problème majeur concernant les simulations des dirigeables vient du fait qu’il s’agit généralement de très grandes structures, entre 100 et 200 mètres de long. Sur ces échelles-là, les méthodes de calcul numérique de modélisation des fluides sont difficiles à mettre en place. Ma thèse devait également prendre en compte les déformations de la structure afin de voir comment elles pouvaient perturber les trajectoires, notamment dans les virages. »

Ecoulements autour d'un dirigeable pour un angle d'attaque de 10°
Écoulements autour d'un dirigeable pour un angle d'attaque de 10°. Les courbes noires représentent les lignes de courant. La couleur indique la vitesse de l'écoulement U, adimensionnée par la vitesse de l'écoulement ambiant.

La thèse de Robin Le Mestre a également permis de lever un certain nombre de verrous scientifiques, en permettant des simulations sur des formes plus réalistes que les traditionnels « ellipsoïdes de révolution » généralement utilisés pour représenter les dirigeables souples.

Sur le plan de la sécurité, Robin Le Mestre a également étudié les risques de flottement, phénomène de résonance potentiellement destructeur entre les forces aérodynamiques et la structure du dirigeable. « Sans aller nécessairement jusqu’à la rupture, le flottement peut avoir une incidence sur le contrôle de la trajectoire. C’est donc un paramètre très contraignant dans la phase de conception des dirigeables, et il est important de pouvoir le modéliser finement. »

Avec les résultats de cette thèse, les concepteurs de dirigeables ont à présent tous les outils en main pour prendre en compte de manière réaliste les effets de déformation des dirigeables, et préparer dans les meilleures conditions le grand retour des plus légers que l’air.