AUSTIN, l’autonomie stratégique sous le prisme de l’innovation

AUSTIN est un projet de recherche portant sur les liens unissant autonomie stratégique et innovation. Sa première phase vient de s’achever et il donnera prochainement lieu à parution d’un article scientifique dans la revue Economie Appliquée

"Dis-moi combien de brevets tu déposes en matière de défense, je te dirai quelle est ton autonomie stratégique". C’est en quelque sorte la promesse du projet AUSTIN (AUtonomie STratégique et INnovation) mené pour le compte de la DGA à ENSTA Paris. L’objectif d’AUSTIN est en effet d’identifier les facteurs qui contribuent à l’autonomie stratégique d’une nation, et qui promeuvent la soutenabilité de sa base industrielle et technologique de défense.

Pour Dorgyles Kouakou, post-doctorant à l’Unité d’économie appliquée d’ENSTA Paris, « l’approche méthodologique adoptée est très originale car elle a la capacité de transformer les données de brevets pour mesurer l’autonomie stratégique, entendue comme la capacité d’un pays à assurer sa défense sans dépendre de l’extérieur. ».

De façon assez surprenante, l’approche semble valable quelle que soit la taille du pays, depuis le Luxembourg jusqu’à la Russie.
« Il suffit que le pays ait une industrie de défense et que ses données en matière de brevets soient publiques pour que l’approche soit pertinente. » confirme Dorgyles Kouakou. « Pour mesurer l’autonomie stratégique, nous réalisons une analyse fondée sur la théorie de la dominance économique, laquelle permet de mettre en évidence les effets de dominance entre états. Et au cœur de cette approche se trouve la théorie des graphes. ».

 

La théorie des graphes trouve son origine dans le célèbre problème des sept ponts de Königsberg : est-il possible de se promener dans Königsberg et de revenir à son point de départ en ne passant qu’une seule fois sur chaque pont ? Leonhard Euler montra en 1735 qu’il n’existe pas de telle promenade en utilisant des graphes dont les ponts constituaient les arêtes et les îles et les berges les sommets. Ces sommets se voyaient eux-mêmes attribués des degrés en fonction du nombre d’arêtes arrivant à ce sommet. Euler démontra que la promenade idéale ne pouvait exister que si tous les sommets étaient de degré pair, sauf au plus deux, ce qui n’était pas le cas à Königsberg.

Mesure de l'autonomie stratégique par le flux de connaissances Défense
Mesure de l'autonomie stratégique par le flux de connaissances Défense

La théorie des graphes s’est par la suite montrée avoir de nombreuses applications dans tous les domaines liés à la notion de réseau, et donc d’interdépendance. Après avoir mesuré l’autonomie stratégique, des techniques économétriques permettent d’analyser ses facteurs explicatifs.

Parmi les résultats qui seront prochainement publiés, on peut citer le fait que la France ressort particulièrement bien placée en termes d’autonomie stratégique, puisque sur la période 2000-2015, elle se retrouve 13 fois dans le trio de tête des scores d’autonomie stratégique, là où l’Allemagne n’est présente que 8 fois, et la Russie 7.

Références : « Gouvernance et autonomie stratégique par l’innovation : une étude exploratoire », de Dorgyles KOUAKOU et Eva SZEGO (ENSTA Paris), à paraître dans « Économie appliquée ».