Plutôt qu’une carrière dans le nucléaire, Charlotte Maes aurait pu choisir de travailler dans la gestion des déchets, ou le traitement de l’eau. L’important pour elle, c’était d’exercer un métier qui ait du sens, en prise directe avec les grands enjeux environnementaux.
« A la sortie de Polytechnique, j’ai choisi ENSTA Paris en tant qu’école d’application car elle propose des parcours sur mesure et des enseignements très appliqués qui me sont encore utiles aujourd’hui. Surtout, je savais qu’ENSTA Paris nous offrait l’opportunité de faire de nombreux stages. Cette possibilité d’entrer en contact avec le monde de l’entreprise, de découvrir de l’intérieur différentes facettes du métier d’ingénieur, différents domaines, et de tester mon appétence pour chacun d’eux, m’a beaucoup plu. »
C’est donc finalement le groupe EDF que Charlotte Maes choisit de rejoindre en 2000, avec la conviction profonde que l’énergie nucléaire est une énergie propre qui apporte à la France souveraineté et indépendance énergétique. Elle débute sa carrière à la centrale de Cruas, dans la vallée du Rhône, au poste d’opérateur de conduite.
« Cela consiste à piloter une tranche nucléaire depuis la salle de commande. Étant donné les enjeux en termes de sûreté, il faut être parfaitement au point dès qu’on prend les commandes. La formation dure deux ans, avec de nombreux apports théoriques mais également beaucoup d’entrainements sur simulateur. Cela m’a fourni des bases qui se sont avérées utiles tout au long de ma carrière, et encore aujourd’hui en tant que directrice. »
Elle prend par la suite la direction d’une équipe, puis se voit proposer de rejoindre le service d’Études stratégiques et analyse des marchés énergétiques en tant qu’analyste des marchés européens de l’électricité.
« Au-delà de la grande variété des parcours offerte à EDF, le groupe mène une politique très active pour encourager les femmes à lever la main et oser s’engager dans des carrières à responsabilité. »
C’est ainsi qu’en 2014, elle prend la tête du service conduite de la centrale de Cattenom en Lorraine.
« C’était un poste passionnant, à la tête d’un service de 200 personnes comprenant à la fois les personnes qui surveillent et pilotent le réacteur mais aussi les gens préparant les installations pour permettre les interventions de maintenance. Ce furent quatre années très intenses, avec des dimensions très techniques mais aussi humaines, au cours desquelles j’ai pu mettre en pratique une notion centrale des enseignements d’ENSTA Paris : la maîtrise de la complexité. »
Accumulant encore de l’expérience dans cette maîtrise combinée des très nombreux facteurs qui permettent de produire une énergie décarbonée et sûre, le tout dans un contexte réglementaire forcément exigeant, Charlotte Maes se voit proposer en septembre 2021 de devenir directrice déléguée de production à la centrale du Blayais en Gironde, puis d’en prendre la direction un an plus tard.
« Ce poste de directrice représente la quintessence de tout ce que j’ai appris lors de mon parcours dans le groupe. Il y a d’abord la mission première, fondamentale, qui consiste à produire de l’électricité décarbonée dans les conditions de sûreté les plus exigeantes qui soient. Et puis il y a aussi tout un aspect de relations avec le territoire, la région. Une centrale nucléaire, ce sont beaucoup de retombées économiques directes pour les collectivités locales, mais aussi des actions d’insertion de personnes éloignées de l’emploi, du sponsoring d’associations, etc. Et il y a aussi la transparence absolue en matière de sûreté, sans laquelle on ne peut pas obtenir la confiance de la population, et qui nous conduit à communiquer régulièrement sur les milliers de prélèvements dans l’environnement auxquels nous procédons chaque année. »
Cette carrière exemplaire, Charlotte Maes l’a menée conjointement à une vie de famille également bien remplie. « La difficulté est bien sûr la gestion de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle » confie-t-elle. « J’ai eu trois enfants, mais j’ai eu la chance de les avoir en même temps, ce qui a permis un certain nombre d’économies d’échelle ! » sourit la manageuse et mère accomplie de triplés.
« Il est vrai que c’est un exercice d’équilibriste permanent, avec une recherche d’efficacité dans la gestion de la vie quotidienne qui permet à chaque membre du couple de s’épanouir sans se sacrifier. Il faut être clair sur ses objectifs et ses priorités. Pour moi, il était impensable de ne pas apporter le bon niveau d’attention à l’éducation de mes enfants, car je savais combien c’était un gage d’épanouissement pour eux, mais aussi pour moi, sans lequel je n’aurais pas pu aborder aussi sereinement la suite de ma carrière. Cela a pu m’amener à attendre avant de prendre certaines responsabilités, tout en étant dans des postes qui me permettaient de grandir et de viser plus haut par la suite. »
Une expérience qui lui permet aujourd’hui d’adresser un message clair aux collégiennes et lycéennes qu’elle rencontre et qui s’interrogent sur le choix d’un domaine d’activité :
« N’ayez pas peur des carrières techniques. Je m’y suis vraiment épanouie, j’y ai trouvé une ambiance de travail stimulante, et j’ai vraiment adoré chaque année de ma carrière. Grâce au réseau des femmes du groupe EDF, j’ai aussi fait des rencontres déterminantes qui m’ont permis de ne jamais renoncer à progresser. Garder sa curiosité en éveil, oser toucher ce qu’on pense être ses limites pour mieux les dépasser, c’est ce qui fait de nous des individus épanouis et heureux. »