Si la France dispose d’une importante façade maritime, les fonds plongent rapidement sous les 50 mètres, ce qui complique et renchérit l’installation de structures fixes posées sur fondations. C’est ici qu’intervient une percée technologique prometteuse, l’éolien flottant, laquelle permet d’aller chercher au large des régimes de vents plus soutenus, et mobilise beaucoup moins de ressources puisqu’il n’est plus besoin de poser des fondations.
Une des difficultés des projets d’éoliennes flottantes tient au déplacement vertical auquel ces merveilles d’ingénierie risquent d’être soumises sous l’action des vagues, ce qu’on appelle le pilonnement. Comme l’explique Luc Pastur, enseignant-chercheur ENSTA Paris, « les structures ont tendance à entrer en résonance avec les vagues et se retrouvent animées d’importants mouvements verticaux. Ces mouvements font travailler la structure de l’éolienne et accélèrent son vieillissement. Par ailleurs la variation de hauteur liée au pilonnement fait chuter leur rendement. »
En effet, la vitesse des vents augmentant avec l’altitude, les éoliennes marines sont généralement très hautes, typiquement 150 mètres, pour en profiter à plein. Mais si l’éolienne se retrouve à osciller comme un bouchon à la surface de l’océan, les rendements fluctuent, et les efforts de torsion et de basculement imposés à ces immenses structures peuvent provoquer leur défaillance. « Il nous faut donc imaginer des dispositifs de dissipation de l’énergie de ces mouvements les plus simples et les plus fiables possibles » poursuit Luc Pastur.
C’est toute l’ambition du projet FRICFLOAT, proposé par EDF et auquel ENSTA Paris contribue grâce aux moyens d’essais de son Unité de mécanique, un des 6 laboratoires de l’École. Cette année, des étudiants en 3e année du cycle ingénieur ont même participé aux recherches dans le cadre de leur projet interdisciplinaire collectif tuteuré.
« Une des façons d’amortir le pilonnement consisterait à placer des plaques, ou des disques, sous l’embase de l’éolienne flottante » explique Luc Pastur. « Ces plaques seraient percées de trous qui ajouteraient de la turbulence, laquelle est un bon moyen de dissiper l’énergie. Mais nous aimerions comprendre le détail de ces phénomènes, ce pourquoi nous allons commencer une campagne d’expériences à l’échelle 1/40e au sein du laboratoire. »
Le principe de ces expériences consiste à forcer le mouvement de modèles réduits de ces plaques dans un bassin et mesurer l’amortissement avec des mesures de déplacement couplées à des mesures de force, ce qui permettra de remonter à l’amortissement réel. En parallèle, des mesures de vélocimétrie par images de particules (PIV) seront effectuées dans l’eau afin d’étudier les structures d’écoulement autour des plaques.
« Nous allons mesurer, en fonction des fréquences et des amplitudes du forçage, les amortissements induits et les structures d’écoulement associées. Nous pourrons ainsi corréler les pics d’amortissement avec ce qui se passe exactement dans l’écoulement à ce moment-là, et ne se passerait pas à d’autres fréquences ou d’autres amplitudes. Nous ne sommes qu’au tout début de ce beau projet qui s’annonce prometteur et riche de découvertes ! » conclut Luc Pastur.