Aru, le robot qui se met en quatre

Après une prépa au lycée Fermat de Toulouse, Titouan Le Marec intègre ENSTA Paris en 2016 puis enchaîne avec un double-diplôme à Polytechnique Montréal. C’est au fil de ce parcours qu’il murît le projet phare de sa startup de robotique Nimble One : Aru, un robot hors du commun capable d’aller là où les autres ne vont pas.

Un des méchants les plus réussis de l’histoire du cinéma est un robot, principal antagoniste de Terminator 2. Constitué d’un alliage métallique dont la consistance varie à volonté, le T-1000 peut prendre toutes les formes. Dans une scène particulièrement marquante, il traverse une porte à barreaux en se comportant comme un fluide, sous l’œil médusé des témoins.

Dans la vraie vie, un seul robot est aujourd’hui capable de changer de forme pour franchir une porte à barreaux. Il s’appelle Aru (pour « Autonomous Remote Unit » et qu'on peut prononcer « à roues ») et, bien loin d’être un robot tueur, il a vocation à devenir le meilleur ami de l’homme en milieu hostile. Les alliages métalliques modifiables à volonté restant à inventer, il recourt à une autre technique pour jouer les passe-murailles, comme nous l’explique son concepteur, Titouan Le Marec, diplômé d’ENSTA Paris en 2020 et fondateur de la startup Nimble One :

« J’ai eu l’idée de créer un robot constitué de 4 points de contact, par analogie avec les 4 membres du corps humain, mais dépourvu de corps central. Chaque membre, équipé d’une roue, est articulé à ses deux voisins. On obtient ainsi une boucle. Ce concept articulé permet d’agir comme un rover doté d’une suspension naturelle, mais aussi de marcher, monter des marches, enjamber des obstacles. »

Cependant la vraie force du concept se révèle lorsque Aru ouvre la boucle : il peut alors se transformer en serpent et progresser dans des tuyaux, se glisser sous des machines, dans des décombres, se dresser pour ouvrir une porte… ou passer à travers des barreaux !

« La première fonction d’Aru, c’est la mobilité en environnement complexe » précise Titouan Le Marec. « Nous l’avons conçu pour qu’il soit en mesure d’amener toutes sortes d’outils là où on en a besoin, et quels que soient les obstacles qu’il rencontre en chemin. Grâce à sa capacité à changer de forme, il peut prendre des raccourcis en menant sa propre analyse de traversabilité et explorer 70 à 80% des installations d’un site industriel, contre 20% s’il devait rester sur le même cheminement qu’un opérateur humain ! »

Ce facteur de forme hors du commun présente un autre avantage : il est économe en énergie. Prenez un robot quadrupède tel que ceux proposés par Boston Dynamics. Sous tension, dressé sur ses 4 pattes, il a fière allure. Mais coupez l’alimentation, et il s’avachit sur le sol. Il ne sait pas tenir la position, ou alors au prix d’une consommation d’énergie déraisonnable.

« Aru est posé directement sur ses roues » poursuit Titouan Le Marec. « Si on coupe l’alimentation pour le mettre en veille et préserver les batteries, il conservera sa posture. Au final, Aru est au minimum 50% plus économe en énergie que ses concurrents sur les mêmes parcours, ce qui lui permet de mener des missions plus longues en toute autonomie. »

Autre point fort d’Aru et de son facteur de forme inédit, ce sont ses capacités d’interaction.
« En ouvrant la boucle, Aru peut utiliser ses membres comme des bras, et se dresser jusqu’à 1,6 mètre de hauteur. Avec Aru, on a un système qui intègre naturellement mouvement et interaction, et on gagne en capacité de charge utile. »

 

Aru prend les commandes
Aru prend les commandes

Cela fera bientôt 3 ans que Titouan Le Marec a créé Nimble One, en décembre 2020.

« J’étais revenu de Polytechnique Montréal fin août, où j’avais longuement mûri le projet. J’avais une bonne connaissance des enjeux techniques, des contraintes, et aussi du marché potentiel. Cela nous a permis de démarrer très fort, de sortir une V1 du robot en septembre 2021, puis de le présenter au célèbre Consumer Electronics Show de Las Vegas en janvier 2022. »

Cet automne, Nimble One présentera un prototype de validation qui n’est que la V3 d’un produit extrêmement bien conçu dès le départ.

« C’est le prototype grâce auquel nous allons lancer l’industrialisation » se réjouit Titouan Le Marec. « Aru V3 va nous permettre de figer toute la partie mécanique, toutes les fonctions, les sous-composants mécaniques, etc. On rentre dans une phase de sécurisation de la chaîne d’approvisionnement et d’optimisation de l’industrialisation. Et nous allons tout fabriquer en France, car nous avons trouvé des partenaires de confiance en local. C’est très important pour moi. »

Une étape cruciale pour le jeune entrepreneur qui, aussi loin qu’il s’en souvienne, a toujours eu la volonté de créer, d’innover avec un véritable impact. Il est aussi en train de mener en parallèle la première levée de fonds de l’entreprise, afin d’aborder la phase d’industrialisation avec sérénité et renforcer l’équipe.

Si l’industrie lourde est aujourd’hui le premier marché que Titouan Le Marec vise avec Aru, il a une idée très précise des services que sa création pourrait rendre dans une maison : « Aru a le potentiel d’être un formidable robot domestique ou d’assistance : peu encombrant, très stable, il ne risque pas de chuter sur un enfant ou une personne âgée, contrairement à des robots humanoïdes dont la stabilité reste à garantir. Ne prenant pas plus de place qu’un tabouret, Aru se déplace et se déploie lorsqu’on a besoin de lui. C’est ma conception de la robotique : le maximum de services pour le minimum d’encombrement. »

Alors oubliez Hollywood et ses robots maléfiques : si Aru se met en quatre, ce sera toujours pour vous rendre plus de services.